PublierVoirEditer#549

Voyage olympique

@dav 25/07/2024

Donc en fait le trajet du touriste arrivant à Paris c'est de faire huit kilomètres à pieds dans les dédales de l'aéroport en traînant ses bagages pour arriver dans une gare RER (qu'il faut comprendre comme étant la traduction de "trains") bondée aux dizaines d'entrées et sorties mal placées, où tout le monde se croise dans tous les sens, et sont accueillis par des agents Ratp (qu'il faut comprendre comme étant "en rapport" avec le "RER") qui se prennent pour des flics et se font un malin plaisir autoritaire et imbus d'une générosité de façade, de les guident au mauvais endroit surtout s'ils étaient déjà où ils voulaient aller. Ensuite ils prennent le transport en commun avec les aimables citoyens de la banlieue nord qui ne manqueront pas de leur conseiller de ne pas laisser leurs bagages trop près de la porte. Ils s'installent sur des sièges en plastique enduits d'un tissu gras et sombre entouré d'un décors de plastique jaune décollé et richement décoré de graffitis, puis n'ont plus qu'à admirer pendant 58 minutes d'arrêts incessants et interminables à travers la vitre emplie de souvenirs de collégiens, le paysage déprimants d'un pays en ruine, un peu comme un voyage dans le temps du Bronx, où les immeubles termes et barricadés se dissimulent à peine derrière les poteaux électriques et les arbres qui étouffent, d'où proviennent les sirènes de police et les gyrophares de pompiers qui cavalcadent dans tous les sens, avec de la fumée et des coups de feux qu'on peut percevoir avant de se dire qu'il vaut mieux publier tout ça. Et voilà, se disent-ils, comment on devient parisien.

Enfin ils arrivent à la Grande Capitale Historique, laissée à l'abandon depuis son époque noble dont il ne reste que la prétention et la vanité, encerclés par des Crs (qu'il faut comprendre comme étant vaguement de la police) et des barricades qui les guident "facilement" vers le mauvais endroit, dans une puanteur moite et un boucan indescriptible qui taraude les nerfs, en passant entre les affiches publicitaires où des visages hypocritement souriants démontrent facilement un pessimisme déroutant. Enfin ils atteignent la surface, après quelques échanges peu convaincants avec des soldats armés qui gardent le doigt sur la gâchette, qui les soupçonne d'être de faux-touristes déguisés en criminels, et peuvent toujours aller attendre des heures le Uber qui ne viendra jamais avant de se laisser convaincre par une file d'attente de quatre heures pour un taxi qui les emmènera un kilomètre plus loin en deux heures de route, pour la modique somme de quatre-cent euros.

Une fois arrivé dans leur hôtel 4 ou même 5 étoiles "rustique et plein de charme" ils découvriront les fameux escaliers parisiens étriqués et grinçants qui les conduiront au huitième étage d'une chambre de bonne où le vent passe entre les quatre centimètre sous la porte d'entrée et les fissures laissées autour de la fenêtre inclinée rafistolée, dissimulés par un vieux tissus mauve parcouru de tâches de moisi indéfinissables. Voulant évacuer cette odeur pestilentielle ils verront que ces fenêtres, qui aiment pourtant laisser passer la pluie et un sifflement crispant, ne s'ouvrent même pas. Enfin ils pourront poser leurs valises sur le sol gras et s'allonger sur un lit qui sent déjà la sueur d'un autre client mécontent d'avoir servi de repas à une nichée de punaises de lits.

Demain leur plus belle journée commencera, enfin jusqu'à neuf heures quand le ciel bleu du matin sera recouvert des nuages ensemencés volontairement et qu'une grisaille traditionnelle teinte d'une tristesse métaphysique viendra pomper toute l'énergie qui leur reste. Très vite ils seront absorbés par la foule et les événements, strictement décidés pour eux, et ne bénéficieront plus d'aucune liberté jusqu'à ce qu'ils soient reconduits vers la sortie, une fois la fête finie et les poches vidées, et la tête bourdonnante d'un boucan infernal et inutile.

Une fois dans l'avion ils effaceront la seule photo qui a pu être prise d'une place du Trocadéro interdite aux piétons entourée de grillages et de tissus qui empêchent sadiquement de voir la Tour Eiffel, triste résidu d'une époque révolue et reniée depuis longtemps. Ils seront bien heureux de rentrer en chine, en Russie, à Madrid, en Afrique du Sud, ou dans n'importe quel pays pourvu que les rues soient propres et dégagées, les gens propres et polis, et les maisons propres et modernes.

Ils ne remettront plus jamais les pieds dans cet enfer, et tout du moins ils parviendront désormais à mettre des mots sur les drapeaux rouges que leur subconscient ne cessaient de leur crier depuis le début : "N'y allez pas ! C'est une arnaque ! Ces gens sont fous ! Ils ne croient plus en rien ! Paris c'est la cité des inhumains !!! La France c'est le pays de la déchéance !!!".

https://open.substack.com/pub/dav8119/p/voyage-olympique