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Le One Piece

@dav 20/10/2023

Je déconseille fortement de regarder la série One Piece, avant de s'être tapé les 1000+ épisodes animés, pour ne pas risquer de manquer l'intensité émotionnelle.

Je prends des passages de la série pour disserter.

En terme général, je veux juste dire que le maître-mot de tout ceci est la justesse. Les personnages découvrent l'histoire avec le spectateur. Ils n'ont pas de plan prévu, mais un grand destin des attend. C'est très émouvant de revoir ces scènes comme si elles étaient sorties d'un rêve. Tout est exactement comme on se l'imaginait. Aucun détail n'a été oublié. Exactement ce qu'on toujours voulu les fans d'un genre, là où en général le passage à l'écran fait souffrir le sens profond. La justesse est aussi celle des héros, qui rêvent de liberté. Et celle d'un Chapeau de Paille qui se tisse à chaque instant, quand pour répondre à une attaque psychologique, il énonce une loi des pirates...

Roronoa Zorro est celui qui m'a toujours le plus fasciné, par son côté "paumé" et limite autiste, au point d'être à mille lieux de se douter de ce que les autres pensent, d'y prêter attention, ou même de les écouter pendant le combat. Sa pensée désintègre ce qu'on lui raconte. Et il le fait avec justesse. Le fait qu'il n'ait pas le sens de l'orientation est là aussi un atout pour un sabreur, dont le seul repère est sa cible.

Les combats sont prodigieux. Idéaux. Parfaitement dessinés, et donc pensés, rendus visibles et réalistes. Je me dis que pour être embauché, le chorégraphes des combats a dû faire un discours sur l'apanage de la fluidité, sa passion, et à quel point cet art presque désuet était approprié à l'esprit de One Piece. La fluidité c'est l'énergie, la vie, l'élan, le destin, l’acuité, la présence, le sens de l'observation, et de laisser la gravité faire le reste. C'est être Un avec l'univers. On le voit dans le premier combat du premier épisode.

La différence fondamentale avec l'animé c'est que dans la série les scènes de violence sont mortelles, alors que dans les dessins animés les ennemis sont juste évanouis avec des petites oiseaux qui volent autour de la tête. Mais là aussi ça contribue à la justesse, dans un univers où tout est exagéré, stéréotypé (dessiné), et amplifié jusqu'à des niveaux magiques. C'est l'état d'esprit qui est exprimé graphiquement, c'est toujours lui qui détermine les combats, et toujours celui qui a la raison de son côté, qui gagne. Ceux qui meurent d'un mauvais état d'esprit ne sont pas perdants.

Le personnage de Usopp, je le déteste, je ne l'ai jamais aimé, il m'énerve et en plus il a de la chance. On lui colle des voix grinçantes en français. Sa négativité est telle qu'il fera chavirer la reine des mauvais esprits, plus tard dans la série. J'ai hâte de voir ça. Lui aussi il passe du rêve à la réalité, de l'histoire au présent, et de l'attachement au détachement. Il fera son chemin. Et là encore il faut saluer la justesse d'un personnage qui rééquilibre extraordinairement l'équipage de quatre personnes, et le soude, pour en faire le noyau originel.

Pour Nami il est difficile de retrouver le charme de la petite voleuse qu'on connaît. Elle ne se dévoile qu'à l'épisode 4 pour avouer qu'elle n'est pas habile pour se faire des amis. Et cela arrive comme une explication pour la distance qu'elle met entre elle et les autres. Elle se méfie de tout le monde, ne croit en personne, mais cela va vite changer.

Des fois je me demande à quel point l'IA est entré dans le jeu des acteurs. Outre le réalisme de l'univers, celui des acteurs est tel qu'on l'a toujours imaginé en découvrant les dizaines, les centaines de personnages, dans la mesure où on sent que l'auteur a été inspiré par un acteur, un film, une histoire ou un mythe. On retrouve des têtes qu'on reconnaît sans trop savoir les identifier, y compris des acteurs connus dont on est contents de savoir qu'ils vont bien, dans cet univers.

"Buggy" (tel que Luffy l'appelle) le Clown ne serait rien sans la connaissance intime de son histoire, qui s'est construite afin de renchérir le caractère initial de ce personnage qui est sensé faire peur. Luffy n'en a pas peur parce qu'il est sur son chemin. Arlong, dont on se rappellera en se disant que finalement c'était du menu fretin, est impressionnant. Toutes les scènes, mêmes les recoins oubliés de la série, sont traités avec conviction, au point d'en avoir une grande valeur symbolique. Les civils ne sont pas plus étonnés que nous de voir Baggy se démembrer dans un univers où il y a des Fruits du démon. Tout est géant, dan ce monde.

Shanks le Roux, dans son altruisme Zen, apparaît comme un être qui n'a jamais souhaité tisser des liens avec Luffy, que celui-ci a pris en grip par manque d'affection. Jusqu'à ce qu'il réalise que, dans son désintéressement général des choses matérielles, il réalise que c'est Luffy qui va le plus lui manquer, pour son dernier voyage avec l'équipage mythique de Gold Roger. Perdre un bras de bon gré pour garder la vie, est exactement une parole de Jésus. S'il devait ressembler à quelqu'un, au moins aux yeux de Luffy, ce serait Lui.

Luffy va devenir le roi des pirates. Parce qu'il est entièrement tourné vers, et dévoué aux autres. Comment peut-il en être autrement ? C'est de la simple logique. Pas besoin de réfléchir longtemps pour s'en rendre compte. La question est : comment le sait-il ? Il faut au moins avoir une vue globale sur ce monde pour en être certain. Que les gens sont renfermés, égoïstes, et commettent des fautes. Qu'ils vivent sous une dictature mondiale. Mais il ne le sait pas encore. Il peut mourir en tentant de réaliser son rêve, ce n'est pas grave, tant que sa vie sera guidée par lui. C'est seulement plus tard, avec son subconscient surpuissant, qu'il va le réaliser, réaliser qu'il a raison, et qu'il a la justice avec lui, et dans son sillage, la justice dans tout ce monde.

Je présente souvent la série comme de la plus longue histoire de toutes les histoires, de l'histoire. C'est une manière de décrire le chemin qui conduit du rêve à la réalité. Son message est celui de la Liberté, phénomène le plus central de l'univers, et clef de sa compréhension. Il nous invite à être nous-même et à exceller dans cet art.