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Noble et humble : l'éducation au sens critique

@dav 25/11/2019 psychosocial éducation

La dysharmonie entre le cerveaux est la principale cause de souffrance entre les humains.

Non pas qu'il faille que tout le monde "pense pareil", mais que chacun soit doté d'un esprit critique suffisant pour savoir écarter ce qui est faux.

Non pas que le niveau moyen statistique doivent être normalisé et les différences effacées, mais que le niveau devienne suffisant pour qu'au contraire les différences soient vécues comme une richesse.

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Quand j'ai entendu parler d'éducation à la lecture de l'information, j'ai évidemment pouffé de rire en voyant qu'ils utilisaient des faits d'actualité tirés de journaux mainstream, et je me suis demandé de ce qui pouvait bien attester de l'honnêteté intellectuelle des professeurs, et de leur embrigadement personnel et involontaire. J'ai immédiatement associé cela à l'endoctrinement qui découle (toujours, historiquement) du fait que nous vivons avant tout dan un pays impérialiste, dogmatique, et universaliste (ce dernier mot étant prit dans son acception la plus altérée, à savoir "uniformiste").

Mais quand on y pense cette nouvelle discipline scolaire peut avoir des vertus véritablement paradigmatiques pour la façon d'éduquer en terme général.

Premièrement le professeur ne peut se positionner comme un locuteur fiable au point qu'il faille en boire les paroles et dont la non-mémorisation est vécue comme une faute. La réalité est que cette posture est violente et éteint tout esprit critique, le plus souvent par des moqueries. Au contraire dans l'éducation à la lecture de l'information, le professeur a une posture de force de proposition, qui commet des erreurs qui doivent être décelées. Il intervient en guide de conseiller, sur des études faites par des groupes de travail sur des sujets qui sont proposés, et qu'ils ont choisi.

Deuxièmement ce tutorat est interdisciplinaire, car il demande aux élèves d'enquêter sur des sujets qui peuvent être très variés, et dont chacun d'eux peut faire intervenir différentes disciplines telles que les mathématiques, l'anglais, la géographie, l'histoire...

Troisièmement, l'apprentissage qui a lieu pendant les cours n'est qu'un sous-produit du cours, et non sa finalité. Cela place l'élève dans une situation d'attente de la bonne solution, après avoir tenté de la découvrir par lui-même. L'essence du cours consiste à apprendre à pêcher plutôt qu'à donner du poisson pré-cuit dans une barquette en plastique. Le fait est que depuis l'apparition de la calculette, l'éducation a dû se transformer de sorte à admettre qu'elle n'était pas la seule détentrice de la connaissance, mais au contraire qu'on pouvait la trouver. Quand j'étais petit, l'excellente éducation que j'ai reçue m'a conduit à savoir ouvrir un dictionnaire aussitôt que j'en avais besoin. Je pouvais mêmes tomber sur la bonne page du premier coup. Faire ce geste consiste à savoir mettre en pause sa réflexion pour se lancer d'une recherche, avant de la poursuivre. La véritable finalité de l'éducation au sens critique (ESC) consiste à fournir aux élèves les outils qui rendent plus facile et accessible l'accès et la compréhension de l'information, ce qui peut se résumer en une assez grande culture générale.

Je pense que l'avenir de l'éducation consistera à faire des élèves des chercheurs, de choses qu'ils ignorent et que nous connaissons, ou peut-être de choses que nous ignorons, et de récompenser les découvertes scientifiques et l'esprit de synthèse. La philosophie qui découle d'une société éduquée ainsi consiste à faire de l'information une chose librement accessible mais uniquement à ceux qui se posent les bonnes questions.

Un constat sur la "sur-information" peut s'exprimer par l'idée que certaines informations, de même que certaines connaissances scientifiques, ne devraient pas tomber entre des mains inexpertes, dont on sait qu'elles en feraient un mauvais usage. Par exemple les technologies nucléaires, confiées aux présidents, ne devrait être confiées qu'à ceux qui ont la plus grande expertise sur les aspects scientifiques et les retombées de l'usage de ces armes dites "de dissuasion". Les détenteurs de fortunes devraient avoir une compréhension intégrale de tous les métiers qui sont sous leur égide. Et ainsi de suite. L'aspect fondamental qui découle d'un bon usage de l'information est le sens des responsabilités.

Dans ce genre de société, tout le monde n'a pas besoin de tout savoir, mais chacun a d'autant de "place disponible" pour devenir le détenteur de connaissances exclusives, complémentaires et utiles aux autres. Si l'information est accessible de façon fluide à celui qui la cherche, et que les outils logiciels permettent ce travail, chacun peut accéder à la connaissance de n'importe qui. La secret n'existe plus, hormis l'hyper-spécialisation qu'il peut requérir pour y accéder.

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La leçon numéro 1 est en fait une description des buts et des méthodes que vise toute l'ESC. Car ce n'est pas tout de savoir décrire ces buts et ces méthodes, le plus important est d'en faire émerger l'utilité et le besoin.

Les exemples les plus probants et saillants qui font émerger ce besoin de décortiquer les affirmations touchent à la communication non-violente (CNV), puisque ce sont des cas où on entend des propos qui sont irritants. Si dans un premier temps il s'agira de déclencher ces propos irritants, très vite et pour tout le temps qui reste il s'agira de les affirmer de façon humoristique.

La tonalité des affirmations des élèves est toujours interrogative. Ce comportement, parfaitement naturel (car l'élève est conscient de son ignorance, puisque son raisonnement est correct mais que rien dans sa mémoire ne vient le conforter à ce sujet), doit être conforté en amont et en aval. Le fait de poser des questions est la forme la plus courante de la communication en ESC.

En amont il s'agit d'instaurer une ambiance de travail dans laquelle il est concret et opérationnel de "réfléchir ensemble" afin que les idées des uns servent celles des autres, et que le groupe aboutisse à une certitude.

Et en aval il s'agit d'examiner les conséquences illogiques de ces certitudes et de savoir placer les bornes à l'intérieur desquelles elles sont correctes ou appropriées.

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La CNV comme méthode de résolution de conflits est un marche-pieds vers le but de l'éducation au sens critique. En posant des questions simples et concrètes afin de déterminer le sens donné aux mots utilisés, s'opère la catégorisation des différents champs d'entendement qui font l'information.

Ces champs d'entendement portent des noms qui sont localisés à différentes étapes qui se situent entre les faits irréfutables et les aspects les plus émotifs. L'un sans l'autre ne peut conduire qu'à une incompréhension des propos tenus (indépendamment du fait qu'ils soient corrects). Ainsi on peut dire que le but de l'ESC est d'acquérir le sens du discernement qui permet d'isoler ce qui, dans n'importe quelle affirmation, relève des faits, des opinions ou des émotions.

"Le fait" est que les faits ne peuvent être exprimés que par le prisme d'une opinion, du fait de leur formulation (ou du contexte de la citation), et cette opinion peut à son tour être guidée par des affects (qui peuvent varier brusquement).

Ainsi les trois aspects ou disciplines distinctes de l'ESC sont :

- Une discipline psychologique : l'étude des affects, comme le corps réagit physiologiquement à des stimuli, quels sont les traits du caractère et de la personnalité qui relèvent des réflexes issus de la génétique, de l'éducation, ou du conditionnement. Parmi ces conditionnements, savoir déloger les traumatismes et les réactions incontrôlables qui font la psychopathologie, pour leur apporter de nouvelles réponses plus correctes qui supplantes les "implants" néfastes que les gens traînent parfois avec eux pendant toute leur vie. (Le but de la recherche de la vérité est de guérir les sources de souffrance.)

- Une discipline philosophique : la compréhension de la déformation occasionnée sur la réalité par une opinion. La réalité est-elle simplement posée là sans avoir besoin de nous ou n'apparaît-elle que lorsqu'on y pense ? Ces deux propositions sont fausses car seul un être vivant et pensant peut percevoir la réalité. L'opinion est un vecteur qui permet de projeter l'existence d'une réalité sur un écran qui correspond à la circonstance dans laquelle cette réalité est évoquée. C'est à dire qu'il y a deux facteurs qui tordent la réalité, celui qui la projette, en utilisant un prisme, qui s'exprime par le choix des mots, et celui qui la reçoit, en commettant une association entre le message perçu et ce à quoi cela semble lui répondre. (On n'étudie pas la religion dans les petites classes.)

- Une discipline scientifique et politique : De quoi des données concrètes peuvent-elles être parlantes de résultats désirés ou des conséquences inattendues des choix qui ont été commis ? Il se peut que des données obtenues selon telle ou telle méthode produise des données variables, dont les conséquences qu'on en tire sur les choix commis peuvent varier du tout au tout. Comment les choix, qui sont totalement libres, peuvent-ils être guidés par des données concrètes et les projections qu'on peut en faire ? Il s'agit en somme d'étudier les dynamiques, les mouvements des pièces sur un jeu d'échecs, les évolutions et les cheminements, selon des méthodes hypothético-déductives.

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Les concitoyens d'un monde éduqué au sens critique sont plus fraternels, coopératifs, compréhensifs, et ont paradoxalement moins besoin de parler. Ils placent l'être au-dessus du paraître car ils savent en examiner les aspects en se faufilant entre les différents pièges de la communication [plutôt que de rester bloqués dessus et de se battre indéfiniment]. Ils contribuent à s'éduquer les uns les autres au sens critique, percevant dans le foisonnement qui en découle une plus grand satisfaction que celle de se croire supérieurs aux autres.

Si on va vraiment au fond de ce qui est proposé par l'ESC, cette discipline sera considérée comme une perturbation pour les dogmes et attitudes qui sont les plus répandues aujourd'hui. La psychopathologie sur laquelle ceci repose pourrait même s'en trouver ravivée, exacerbant les extrêmes et polarisant les opinions, bien que son but soit précisément l'inverse.

Cet cheminement est naturel de même que le mensonge ne peut qu'enfler au point de finir par éclater en plein ciel à la vue de tous. Cependant la conduite à garder doit être celle de l'apaisement des tensions qui peuvent diviser les gens, d'en enseigner l'esprit, et finalement d'unifier les peuples autour de ce qu'ils partagent et qu'il est bon d'avoir en commun.